Module 3 – L’hypnose conversationnelle

4 cours

Aucun mot n’est neutre. Qu’il soit prononcé ou qu’il compose notre pensée, le mot nous aide à définir notre représentation du monde et à communiquer. Il convient alors de bien les choisir et d’en faire bon usage.

Le poids des mots

Avant de s’intéresser aux mots que nous allons choisir pour communiquer, il est intéressant de rappeler que les mots avec lesquels nous choisissons de communiquer avec nous-même influencent nos croyances, nos capacités… en fait, notre carte du monde. Il est donc vivement recommandé d’écouter sa petite voix intérieure pour vérifier et/ou l’orienter dans une communication plus efficiente.

Le sens caché

En politique, le choix des mots est tout un art. Pour manipuler certes mais également pour transmettre le bon message en fonction des idées à faire passer.

Vous conviendrez que parler de “réfugiés” ou de “migrants” n’aura pas le même impact dans les esprits, de même un “policier” ou un “gardien de la paix”. Souvenez-vous qu’il n’y a pas si longtemps que le RMI (Revenu Minimum d’Insertion) devenait le RSA (Revenu de Solidarité Active).

En fonction du rôle qu’ils doivent jouer, ils seront habilement sélectionnés et utilisés.

Extrait vidéo de Franck Lepage “Les mots pour se représenter la réalité sociale”

Le jeu de mots

N’étant pas politicien, conférencier, ni même comédien, nous pensons que le choix des mots dans sa fonction rhétorique est obsolète, ou tout du moins qu’elle est réservée à une élite de la langue Française. Pourtant, posez-vous la question, ne serait-il pas plus intéressant de parler d’une “douleur” par exemple, en des termes plus agréables ou tout du moins plus mesurés.

“Est-ce que c’est toujours douloureux? Ressentez-vous toujours une douleur à cet endroit? “ pourrait ainsi devenir: “Avez-vous toujours une sensation désagréable? Comment vos sensations ont-elles évolué depuis hier?”

De même, que nous parlions d’une situation comme d’un problème, d’une épreuve, ou d’une opportunité d’apprentissage n’a pas du tout la même incidence sur notre façon de l’appréhender.

Les 5 sens

Notre système sensoriel est ainsi fait qu’il est composé d’au moins 5 sens qui nous permettent de percevoir le monde. La vue, l’ouïe, l’odorat, le goût et le toucher. En hypnose, vous entendrez plus facilement parler du système VAKOG (Visuel, Auditif, Kinesthésique, Olfactif, Gustatif), et par raccourci du VAK, l’olfactif et le gustatif étant assimilés au ressenti.

En fonction de notre éducation, de notre environnement et peut-être même de notre patrimoine génétique, nous aurons tendance à avoir un sens dominant. L’utilisation de vos sens pour encoder vos souvenirs ne sera d’ailleurs pas la même en fonction de ce que vous voulez enregistrer.

Si vous pensez “Au clair de la lune”. Qu’est-ce qui vous vient en premier? Une image? Celle de Pierrot sur son croissant de lune? L’air de cette comptine? Ou une sensation dans le corps?

ou bien

Pour effectuer l’opération mathématique 3×4… quelle stratégie mentale adoptez-vous?

Auditif? L’entendez-vous? (si c’est le cas il est intéressant de remarquer que la vitesse de réflexion peut varier si vous vous demandez le résultat de l’opération 4×3. Visuel? Voyez-vous l’opération posée dans votre esprit? Kinesthésique? Ressentez-vous quelque chose de particulier en lisant l’opération?

Loin de nous l’idée ou l’envie de placer les gens dans des cases. Les critères suivants peuvent néanmoins servir d’indices pour identifier plus rapidement son interlocuteur et donc communiquer sur son canal, sa “longueur d’ondes”.

On aura alors tendance à identifier les 3 types suivants:

Une personne à dominante Visuelle aura :

  • Une respiration haute dans la poitrine, assez rapide.
  • Un ton et un débit de voix haut, rapide.
  • Une posture du corps droite, un peu rigide.
  • Un contact visuel développé, profond.
  • Porte une grande attention à son apparence.

Une personne à dominante Auditive aura :

  • Une respiration moyenne, harmonieuse.
  • Un ton et un débit de voix moyen, soutenu, posé.
  • Une posture neutre, bien installée, harmonieuse.
  • Tendra parfois l’oreille pour mieux écouter, entendre.

Une personne à dominante Kinesthésique aura :

  • Une respiration « abdominale », lente, profonde.
  • Une voix plutôt grave, un débit de parole lent.
  • Une posture parfois nonchalante, bien installée confortablement sur son siège.
  • Peut tendre à s’approcher quand elle discute, est assez tactile.

Les prédicats

Dans le module précédent, il était question d’observer son interlocuteur afin de repérer les signes non-verbaux qui accompagne, appui ou trahisse sa pensée. Ces signaux extérieurs qui nous permettent également de mieux nous synchroniser sur ces derniers. Et s’il fallait observer pour les repérer, vous allez découvrir dans ce module, que l’on peut également écouter pour mieux comprendre à qui nous avons à faire.

Bien que chaque personne soit différente, il est utile en communication de repérer quel est le sens dominant de son interlocuteur. Les prédicats sont donc des mots qui reflètent le processus de pensée et qui, selon leur nature, auront tendance à nous indiquer le sens dominant de notre interlocuteur.

Une personne à dominante visuelle emploie des mots, des expressions et des prédicats à orientation visuelles : « je vois », « c’est clair ».

voir, regarder, lumineux, obscur, éclairer, brillant, perspective, net, flou, clair, sombre, brumeux, flash, horizon, coloré…

Une personne à dominante Auditive emploie des mots, des prédicats et expressions liés à l’audition, au bruit, au son : « j’entends bien », « ça me parle ».

entendre, écouter, parler, dire, bruit, accorder, sonner, grincer, grave, crier, harmonieux, rythme, mélodieux, accord, discordant…

Une personne à dominante Kinesthésique emploie des mots, des prédicats et expressions liés au ressenti.

sentir, toucher, bouger, dur, agiter, sensible, souffrir, tendre, ferme, chaleur, sentir, goûter, amer, tension, contact, pression, lier, exciter…

Ces différences de système engendrent parfois de nombreuses incompréhensions ou quiproquo dans notre communication au quotidien.

ex. Un individu à dominante visuelle aura besoin de voir l’amour de son conjoint, et si ce-dernier est auditif, l’entendre ne sera pas suffisant. Un partenaire à dominante kinesthésique aura besoin d’être enlacé pour ressentir l’amour de son conjoint, les mots passant sur un second plan.

En pratique - Le poids des mots

Voici un bon moyen de travailler votre observation et votre écoute facilement et dans de nombreux contextes. Attention cela peut vite devenir un jeu.

A vous de jouer !

Voici un bon moyen de travailler votre observation et votre écoute facilement et dans de nombreux contextes. Attention cela peut vite devenir un jeu.

Les suggestions

Améliorer sa communication passe par la compréhension de certaines structures de langage. Vous découvrirez ici l’art de la suggestion.

En communication, tout est suggestion. Qu’il s’agisse d’une phrase, d’une intonation, d’une mimique ou d’un silence, nous ne pouvons pas ne pas communiquer. Sans aller jusqu’à maîtriser toutes les formes de suggestions qu’il existe, il est intéressant de connaître leur existence afin d’améliorer notre communication générale.

Les suggestions directes

Elles sont simples et ont pour objectif de donner un ordre clair à son interlocuteur.

“Allume le ventilateur, s’il te plaît !” , “Passe-moi le sel !”, “Je vous invite à fermer les yeux!”

Elles prennent souvent la forme d’une injonction, voire de la forme impérative.

Les suggestions indirectes

Les suggestions indirectes proposent des directions et des possibilités. Elles sont un outil de manipulation redoutable lorsqu’elles sont bien employées. Elles suggèrent subtilement à votre interlocuteur de prendre telle direction plutôt qu’une autre mais paradoxalement parce qu’elles laissent du choix, elles ont tendance à être beaucoup plus acceptées. Lorsqu’elles sont dites « indirectes », elles ont donc comme fonctions principales de contourner les résistances conscientes de votre interlocuteur.

« Passes moi le sel ! » (Suggestion directe)

« Ce plat manque de sel. » (Suggestion indirecte)

Dans cet exemple, le fond est le même, seul la forme diffère. Dans les deux cas, notre interlocuteur nous passera du sel.

“… il est extrêmement important pour vous d’être conscient des significations de ce que vous voulez communiquer. Vous devez étudier vos mots ; vous devez apprendre à en reconnaître toutes les significations possibles.”

L’hypnose thérapeutique : Quatre conférences de Milton Erickson

Il existe différents types de suggestions indirectes.

Saupoudrage

Le véritable message (en gras dans l’exemple) est dissimulé dans un autre message plus consensuel, moins direct.

« Rentrer dans l’état d’hypnose est tout de suite plus simple en fermant les yeux. »

Négation

Le cerveau ne faisant pas de grosses différences entre la forme négative et la forme positive, ce type de suggestion fonctionne très bien sur des personnes qui auraient besoin d’affirmer une résistance.

« N’imaginez surtout pas un rhinocéros assis sur le bord de votre lit. »

« Ne rentrez pas dans l’état d’hypnose avant d’avoir fermé les yeux volontairement. »

« Ne vous détendez pas trop vite ! »

Par Évocation

L’évocation est avant tout une description. Décrire un processus, une action ou encore un phénomène permet à celui qui reçoit le message une activation inconsciente de ses propres processus mentaux. L’interlocuteur à qui nous ne demandons aucune participation active n’a alors aucune raison d’être sur la défensive et n’offre donc aucune résistance.

« La plupart du temps quand on rentre dans un état d’hypnose les yeux fermés, la respiration ralentie, les rythmes du corps se modifient peu à peu et l’on oublie le temps qui passe. »

NB : Notez que l’évocation permet également de saupoudrer.

Le Présupposé

Ce dernier type de suggestions indirectes est certainement celui qui demande une vraie gymnastique mentale. Lorsque vous suggérez, vous devez avoir en permanence un temps d’avance sur votre interlocuteur.

Certains mots en eux même forment des présupposés très utiles. Par exemple, « continuer de» présuppose que « ça a commencé à », « en premier » présuppose qu’il y aura un deuxième, « en dernier » présuppose qu’il y a eu au moins un premier, « rapidement » présuppose qu’il y a une vitesse, etc…

Transformer les questions fermées en questions ouvertes est aussi un bon moyen de présupposer des idées.

« Percevez-vous une différence par rapport à la dernière séance ? » (Oui/Non)

« Comment percevez-vous la différence par rapport à la dernière séance ? »

En s’intéressant au « comment », nous présupposons qu’il y a une différence. De plus la réponse sera plus constructive qu’un simple « Oui » ou « Non ».

« Êtes-vous prêt à rentrer dans un bon état d’hypnose ? » (Oui/Non)

« A quel moment allez-vous remarquez que vous êtes entré dans un bon état d’hypnose ? »

Ce présupposé possède un lien temporel. Dans la forme « fermée », nous nous exposons à un « Non » qui pourrait entamer la confiance du sujet dans sa capacité à entrer dans l’état d’hypnose. Dans la forme « ouverte », nous orientons ses pensées vers le « Quand ».

Tout l’art du présupposé réside dans l’habillage du message à faire passer. Vous pourrez selon les cas utiliser d’autres introductions telles que : « A quelle vitesse …», « De quelle manière… », « Quand… », etc…

Le « double lien » ou « choix illusoire » est également une forme de présupposé très utilisée. L’attention de votre interlocuteur se porte naturellement sur le choix qui n’est qu’un leurre au véritable message.

« Vous préférez rentrer rapidement dans un bon état d’hypnose assis ou debout ? »

« Êtes-vous plus détendu pour le moment dans le haut ou le bas de votre corps ? »

« Quand vous commencez à vous relâcher, c’est plutôt les muscles de la nuque ou du visage qui se relâchent en premier ? »

“Tu préfères te mettre en pyjama avant de te laver les dents ou l’inverse?” (celle-ci est bonus 😉 )
RAPPEL : Les mots que vous employez ont une grande importance. Nous préférerons par exemple « une sensation moins agréable » à « une douleur désagréable ».

En pratique - Les suggestions

La maîtrise des suggestions indirectes demande un peu d’entraînement et une gymnastique mentale. Écouter la façon dont les autres parlent et s’écouter soi même est une étape incontournable vers une meilleure communication.

Du direct à l'indirect

Mettez les suggestions suivantes à la forme indirecte.

Astuce: Isolez le cœur du message de la suggestion directe et usez de créativité.

“Veuillez vous asseoir sur cette chaise, je vous prie” (forme directe)

“ Je me demande quand vous allez vous décider à vous asseoir sur cette chaise” (forme indirecte)

ou “Cela vous plairait-il de tester l’assise de cette chaise?

A vous:

“Remplissez le formulaire d’entrée s’il vous plaît.”

“Détendez-vous!”

“Prenez une bonne inspiration!”

“Déshabillez-vous!”

Guillaume Gautier

Hypnopraticien – Formateur

Co-fondateur de DreaminzZz